Régularisation des charges locatives : règles, délais et recours

Vous venez de recevoir un décompte de régularisation de charges locatives accompagné d’un complément à payer de plusieurs centaines d’euros ? Ou au contraire, votre bailleur vous annonce un remboursement suite au calcul des charges réelles ? Cette situation, qui peut surprendre locataires comme bailleurs, est parfaitement normale : elle découle d’une obligation légale de régularisation annuelle.
La régularisation des charges locatives consiste à comparer les provisions versées chaque mois par le locataire avec les dépenses réellement engagées par le bailleur. Lorsque les charges réelles sont inférieures aux provisions, le locataire est remboursé. Dans le cas inverse, il doit s’acquitter d’un complément. Ce mécanisme, encadré par la loi du 6 juillet 1989, impose au bailleur de fournir un décompte détaillé et de communiquer les justificatifs.
Cet article vous explique comment fonctionne cette régularisation annuelle, quels sont les délais à respecter, comment vérifier un décompte et que faire en cas de régularisation tardive ou de charges contestables.
Régularisation des charges locatives : ce que cela change pour votre loyer
La régularisation des charges locatives est un ajustement financier qui intervient au moins une fois par an lorsque le bail prévoit le paiement de provisions sur charges. Pendant toute la durée de la location, le locataire verse chaque mois un montant forfaitaire de charges en plus du loyer. Ce montant correspond à une estimation des dépenses à venir.
À la fin de la période de référence, généralement une année, le bailleur calcule le montant exact des charges récupérables qu’il a effectivement supportées. Il compare ensuite ce total avec la somme des provisions déjà versées par le locataire. Deux situations peuvent se présenter :
Les charges réelles sont inférieures aux provisions versées : le bailleur doit rembourser le trop-perçu au locataire. Ce remboursement peut prendre la forme d’un virement ou d’une déduction sur les prochains loyers.
Les charges réelles sont supérieures aux provisions versées : le locataire doit payer un complément, appelé rappel de charges. Ce solde s’ajoute au loyer du mois suivant ou fait l’objet d’un paiement séparé selon les modalités convenues.
Cette régularisation peut surprendre, surtout lorsque le complément à payer est important. Elle reflète pourtant simplement la réalité des dépenses engagées pour l’entretien de l’immeuble, la consommation d’eau, le chauffage collectif ou encore l’enlèvement des ordures ménagères.
Comment fonctionne la régularisation annuelle des charges locatives ?
La loi impose au bailleur de procéder à une régularisation des charges au moins une fois par an lorsque le locataire verse des provisions mensuelles. Cette obligation s’accompagne de règles précises sur la forme et le délai de communication du décompte.
Le bailleur doit transmettre un décompte détaillé au moins un mois avant de réclamer un éventuel complément. Ce document présente, par nature de charges (eau, électricité des parties communes, entretien de la chaudière, taxe d’enlèvement des ordures ménagères, etc.), le total des dépenses réelles et le montant des provisions déjà versées. En immeuble collectif, le bailleur doit également communiquer le mode de répartition des charges entre les différents locataires ou copropriétaires.
Le locataire a le droit de consulter les justificatifs pendant plusieurs mois. Il peut demander à voir les factures des prestataires, les relevés de charges de copropriété et tout document attestant de la réalité des dépenses. Cette consultation peut se faire au domicile du bailleur, à son agence ou par envoi de copies. Le bailleur ne peut pas refuser cette demande, sous peine de voir sa régularisation contestée.
Le déroulement concret côté bailleur : une fois par an, le bailleur reçoit le relevé de charges de sa copropriété ou rassemble l’ensemble des factures liées au logement (si c’est une maison individuelle ou un petit immeuble dont il assure la gestion). Il identifie les charges récupérables selon le décret du 26 août 1987, puis calcule la part attribuable à chaque locataire selon les clés de répartition prévues au règlement de copropriété. Il compare ensuite ce total avec les provisions déjà encaissées et établit le décompte final qu’il envoie au locataire.
Délai de régularisation des charges locatives et prescription de 3 ans
La loi fixe des délais de prescription qui protègent à la fois le bailleur et le locataire. Ces délais encadrent le droit de réclamer des sommes dues ou de demander le remboursement de montants indûment versés.
Le bailleur dispose de 3 ans pour réclamer un arriéré de charges locatives ou de loyers. Ce délai court à compter de la date à laquelle les sommes sont devenues exigibles. Concrètement, si le bailleur découvre qu’il a omis de régulariser les charges d’une année, il peut encore réclamer le complément pendant les trois années suivantes. Cette règle s’applique même après le départ du locataire : le bailleur peut poursuivre son ancien locataire pour récupérer des charges impayées dans le délai de 3 ans.
Le locataire bénéficie du même délai de 3 ans pour demander la restitution de charges indûment versées ou trop élevées. Le point de départ de ce délai est généralement la date de la régularisation, moment où le locataire prend connaissance du détail des charges et peut identifier une erreur ou un trop-versé. Si un locataire découvre, en consultant les justificatifs, que des charges non récupérables ont été incluses dans le décompte de l’année précédente, il peut exiger le remboursement dans les 3 ans suivant cette régularisation.
Quelques exemples concrets :
- Si un bailleur n’a pas régularisé les charges pendant deux ans et envoie un décompte récapitulatif en 2025 pour les années 2023 et 2024, c’est légal car le délai de 3 ans n’est pas dépassé. En revanche, il ne peut pas réclamer un arriéré de charges pour l’année 2021, car ce serait au-delà de la prescription.
- Si un locataire reçoit une régularisation en janvier 2024 et constate en mars 2024 qu’elle contient des erreurs, il a jusqu’en mars 2027 pour demander le remboursement des sommes versées en trop.
- Si un ancien locataire a quitté le logement en juin 2023 et que le bailleur découvre en 2025 un arriéré de charges, il peut encore le réclamer jusqu’en juin 2026.
Quelles charges peuvent être régularisées et récupérées sur le locataire ?
La régularisation des charges locatives ne porte que sur les charges récupérables, c’est-à-dire celles que le bailleur a le droit de répercuter sur le locataire. La liste de ces charges est fixée par le décret du 26 août 1987 et comprend principalement les dépenses liées à l’entretien courant et aux services dont bénéficie le locataire.
Les charges récupérables incluent notamment :
- Les dépenses d’eau froide et d’eau chaude collective
- Le chauffage et la production d’eau chaude en système collectif
- L’entretien des parties communes (nettoyage, éclairage, produits d’entretien)
- L’entretien des espaces verts et des équipements collectifs (ascenseur, vide-ordures, interphone)
- La taxe d’enlèvement des ordures ménagères
- Les petites réparations et l’entretien courant des équipements
Les charges non récupérables, qui restent à la charge exclusive du bailleur, comprennent :
- Les gros travaux de réparation ou de rénovation
- Les honoraires de syndic ou de gestion locative
- Les frais de procédure judiciaire
- Les provisions pour travaux votées en assemblée générale de copropriété
- Les primes d’assurance de l’immeuble
Lors de la régularisation, le bailleur doit impérativement distinguer ces deux catégories. Si un décompte inclut des charges non récupérables, le locataire est en droit de contester la régularisation et de refuser de payer les montants correspondants. C’est pourquoi il est essentiel, pour le locataire, de consulter les justificatifs et de vérifier la nature exacte des charges facturées.
Lire et vérifier un décompte de régularisation des charges locatives
Recevoir un décompte de régularisation peut sembler complexe, surtout lorsqu’il comporte de nombreuses lignes et des montants qui semblent élevés. Voici une méthodologie simple pour vérifier la cohérence du document et repérer d’éventuelles erreurs.
Vérifier la période concernée : le décompte doit indiquer clairement l’année ou la période de référence. Assurez-vous qu’elle correspond bien à votre occupation du logement et que le bailleur ne réclame pas des charges antérieures à votre entrée dans les lieux.
Vérifier le montant total des charges récupérables : le décompte doit présenter le détail des dépenses réelles par nature de charges (eau, chauffage, entretien, ordures ménagères, etc.). Comparez ces montants avec ceux de l’année précédente pour détecter des variations anormales.
Vérifier les provisions déjà versées : le décompte doit rappeler le montant des provisions mensuelles que vous avez payées pendant la période concernée. Multipliez le montant mensuel par le nombre de mois pour contrôler le total indiqué.
Contrôler le calcul du solde : la différence entre les charges réelles et les provisions versées doit correspondre au complément à payer ou au remboursement annoncé. Refaites le calcul pour éviter toute erreur arithmétique.
Repérer les erreurs fréquentes :
- Mauvaise période : le bailleur réclame des charges pour une période pendant laquelle vous n’occupiez pas encore le logement.
- Charges non récupérables incluses : des postes comme les travaux de rénovation, les honoraires de syndic ou les frais de procédure apparaissent dans le décompte.
- Erreurs de clé de répartition : en immeuble collectif, votre part de charges peut être mal calculée si la surface de votre logement ou le nombre de millièmes de copropriété sont erronés.
- Absence de justificatifs malgré votre demande : si le bailleur refuse de vous communiquer les factures ou les relevés de charges, la régularisation peut être contestée.
Si vous identifiez une anomalie, demandez des explications au bailleur par écrit avant de payer le complément. En cas de désaccord persistant, vous pouvez engager une procédure de contestation.
Régularisation tardive des charges locatives : ce qui est possible ou abusif
Il arrive que certains bailleurs ne régularisent pas les charges chaque année et envoient un décompte récapitulatif couvrant plusieurs années d’un coup. Cette pratique, bien que légale dans le délai de prescription de 3 ans, peut placer le locataire dans une situation financière difficile.
Ce que dit la loi : le bailleur peut réclamer un arriéré de charges locatives dans un délai de 3 ans à compter de la date d’exigibilité. Ainsi, une régularisation portant sur deux ou trois années de charges est juridiquement valable, à condition que le délai de prescription ne soit pas dépassé.
Les droits du locataire face à une régularisation tardive : lorsque le complément à payer est élevé en raison d’un retard de régularisation, le locataire peut demander un étalement des sommes sur plusieurs mois. Cette demande doit être formulée par écrit et le bailleur a tout intérêt à l’accepter pour éviter un impayé. Le locataire peut également contester la régularisation s’il estime que des charges non récupérables sont incluses ou que les montants sont anormalement élevés.
Les risques pour le bailleur : un bailleur qui ne régularise pas les charges pendant plusieurs années se met en difficulté en cas de contestation. Le locataire peut arguer que l’absence de régularisation annuelle l’a empêché de vérifier les justificatifs en temps réel et peut demander une remise gracieuse ou refuser de payer certaines charges.
Tableau des scénarios de régularisation
Sur mobile, pensez à passer votre téléphone à l’horizontal pour visualiser toutes les colonnes du tableau.
| Situation | Ce que dit la loi | Droits du locataire | Réflexes du bailleur |
|---|---|---|---|
| Régularisation dans l’année suivant la période de référence | Conforme à l’obligation légale | Vérifier le décompte, demander les justificatifs | Transmettre le décompte au moins 1 mois avant de réclamer le solde |
| Régularisation avec 2 ans de retard (ex : décompte 2023 et 2024 envoyé en 2025) | Légal si le délai de 3 ans n’est pas dépassé | Demander un étalement des sommes, vérifier que les charges sont récupérables | Proposer un échéancier pour faciliter le paiement |
| Régularisation avec 4 ans de retard (ex : charges 2021 réclamées en 2025) | Prescrit, le bailleur ne peut plus réclamer ces charges | Refuser le paiement des charges prescrites, conserver les preuves | Régulariser chaque année pour éviter la prescription |
| Charges non récupérables incluses dans le décompte | Illégal, le locataire ne doit pas payer ces charges | Contester par lettre recommandée, refuser de payer les montants concernés | Vérifier le décret charges avant d’établir le décompte |
Comment contester une régularisation de charges locatives ?
Si vous estimez qu’une régularisation de charges locatives est erronée, abusive ou incomplète, vous disposez de plusieurs moyens pour la contester. La démarche doit être progressive et respecter certaines étapes pour maximiser vos chances d’obtenir gain de cause.
Demander le décompte détaillé et le mode de répartition : si le bailleur ne vous a pas spontanément transmis ces documents, demandez-les par écrit. Vous avez le droit de connaître la nature exacte des charges et la manière dont elles sont réparties entre les locataires.
Consulter les justificatifs : une fois le décompte en main, demandez à consulter les factures, les relevés de charges de copropriété et tout autre document prouvant la réalité des dépenses. Cette consultation peut se faire sur place ou par envoi de copies. Le bailleur doit répondre favorablement à cette demande.
Identifier les charges non récupérables ou mal calculées : en comparant le décompte avec la liste des charges récupérables du décret de 1987, repérez les postes qui ne devraient pas être à votre charge. Vérifiez également que les montants correspondent bien aux justificatifs et que la clé de répartition appliquée est correcte.
Envoyer une lettre de contestation motivée : adressez un courrier recommandé avec accusé de réception au bailleur en indiquant précisément les montants contestés, les postes en cause et les raisons de votre contestation. Adoptez un ton factuel et citez les articles de loi pertinents si nécessaire. Proposez, si possible, un calcul rectifié des charges.
Saisir un médiateur ou le juge en dernier recours : si le bailleur refuse de tenir compte de votre contestation, vous pouvez saisir la commission départementale de conciliation (gratuite et rapide) ou, à défaut, le tribunal judiciaire. Le juge peut ordonner la communication des justificatifs, rectifier le décompte et condamner le bailleur à rembourser les sommes indûment perçues.
L’important est de conserver toutes les preuves de vos démarches : copies des courriers, accusés de réception, relevés de paiement et décomptes. Ces documents seront essentiels en cas de contentieux.
Régularisation des charges locatives : bonnes pratiques pour bailleurs et locataires
La régularisation des charges locatives est un exercice annuel qui nécessite rigueur et transparence de la part du bailleur, et vigilance de la part du locataire. Voici les bonnes pratiques à adopter de part et d’autre pour éviter les litiges.
Pour le bailleur :
- Régulariser chaque année : ne pas attendre plusieurs années pour établir un décompte, car cela complique la vérification et peut entraîner des rappels importants difficiles à encaisser pour le locataire.
- Conserver toutes les pièces justificatives : factures, relevés de charges de copropriété, preuves de paiement des prestataires. Ces documents doivent être tenus à disposition pendant au moins 3 ans.
- Respecter les délais légaux : transmettre le décompte au moins un mois avant de réclamer un complément, et communiquer le mode de répartition en immeuble collectif.
- Distinguer clairement charges récupérables et non récupérables : éviter toute confusion en excluant les postes qui ne peuvent pas être répercutés sur le locataire.
- Proposer un échéancier en cas de rappel important : cela facilite le paiement et réduit les risques d’impayés.
Pour le locataire :
- Vérifier chaque décompte dès réception : ne pas attendre la fin du délai de contestation pour demander des explications.
- Demander systématiquement les justificatifs : c’est un droit légal et cela permet de contrôler la réalité des dépenses.
- Surveiller les délais de prescription : en cas de trop-versé, vous avez 3 ans pour réclamer le remboursement à compter de la régularisation.
- Contester calmement et par écrit : privilégier le dialogue et les démarches amiables avant de saisir un juge. Une contestation bien argumentée a plus de chances d’aboutir.
- Conserver tous les documents : décomptes, quittances de loyer, courriers échangés avec le bailleur. Ces preuves sont indispensables en cas de litige.
En adoptant ces bonnes pratiques, bailleurs et locataires peuvent aborder la régularisation annuelle des charges sereinement et limiter les sources de conflits.
